Tout juste nommé ministère de l'Education
nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Benoît Hamon doit se
souvenir qu'il a naguère été prof associé et membre du Conseil d'administration
de l'université Paris-VIII-Saint-Denis, héritière de la fac libertaire de
Vincennes créée en plein Mai-68, et réputée l'une des plus créatives et
ouvertes de France.
Or certains étudiants et enseignants de
cette fac sont en ébullition, car ledit conseil d'administration (CA) de
Paris-VIII a décidé, le 21 février, de supprimer froidement un diplôme
universitaire d'art-thérapie créé en 2008. Une formation en pleine déconfiture
: 222 candidatures pour 30 places ! L'un des diplômes les plus courus de la fac
! De plus en plus en vogue depuis quinze ans, l'art-thérapie permet de soigner
par l'art les maladies de la psyché. Ce diplôme reconnu constitue un complément
de formation tant pour les psys que pour les artistes intervenant à l'hôpital.
Mais rien n'y a fait, ni la mobilisation
des étudiants, actuels et anciens, ni une pétition signée par plus de 800
professionnels, dont Boris Cyrulnik. Ni même le soutien constant du Conseil des
études et de la vie universitaire (Cévu) de Paris-VIII, officiellement chargé
de l'évaluation des cursus, qui a voté par trois fois à l'unanimité la
reconduction de ce diplôme !
Tandis que le directeur de l'Institut
d'enseignement à distance, chargé du diplôme, n'a jamais été auditionné par le
CA, en violation de l'article 712-7 du Code de l'éducation...
Un des principaux reproches faits à cette
formation : le flou sur ses responsables. Car sa fondatrice, Silke Schauder, enseignante
à Paris-VIII de 1987 à 2013, a été élue l'an dernier professeure de psychologie
clinique à Amiens. Elle s'est pourtant engagée clairement à continuer de
codiriger le diplôme avec sa collègue restée sur place, Véronique Baqué, maître
de conférences en arts plastiques à Paris-VIII. Un usage courant dans le monde
académique...
Tout est parti d'un e-mail du 15 juillet
2013 annonçant la suppression du diplôme en plein été. Depuis, tout a été invoqué
et passé au crible : le budget de ce diplôme obtenu en deux ans, son taux de
réussite, la mise à jour des cours, leur volume horaire... Au bout de quatre
mois d'attente, ses deux responsables ont été reçues, le 28 janvier, par la
présidente de l'université, l'historienne Danielle Tartakowsky. Laquelle, lors
du CA du 31 janvier, a d'ailleurs « reconnu [s]'être retrouvée à
court d'arguments » pour justifier la suppression du diplôme !
Et donc ? Le couperet est tombé le 21
février, par 8 voix contre 7. En toute logique. Va- t-il falloir soigner ces
membres du conseil d'administration en plein blocage par l'art-thérapie ? Ou
saisir leur ex-collègue Hamon ?
D. F.
Source : Le Canard Enchaîné, 9 avril 2014
Note du
CIPPAD : d’une façon générale,
l’art-thérapie est étroitement liée aux théories développées par le
psychanalyste Carl Jung et au controversé mouvement de Psychologie
transpersonnelle qui s’appuie sur une récupération
de ses travaux. La Commission d’enquête
parlementaire sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le
domaine de la santé s’est étonnée, dans son rapport d’avril 2013, de
l’existence de Diplômes Universitaires en art-thérapie dans certaines universités françaises.