Il y a quelques mois, le pasteur Emmanuel Gordon de l'Église
adventiste a été condamné à 8 ans de prison pour des atteintes sexuelles sur
l'une de ses fidèles. Aujourd'hui cette dernière tente de se reconstruire. Si
la justice a reconnu son statut de victime, au sein de sa communauté, cela fut
un parcours semé d'embûches.
A la simple évocation des faits, Vanessa (1) se retient pour ne pas fondre en larmes. La jeune femme veut parler, elle veut raconter son calvaire. On aurait pu penser que la lourde condamnation infligée en février dernier à Emmanuel Gordon par le tribunal correctionnel allait enfin la libérer... il n'en est rien.
Car la jeune femme a dû faire face au silence et
parfois même au dénigrement de certains membres de sa communauté.
Et pourtant elle n'a aucune rancoeur et n'a
aucun esprit de revanche. « Je veux que l'on sache que j'ai été la victime d'un
pasteur qui a abusé de sa fonction. Je veux que cela se sache, faire connaître
la vérité doit me permettre de tourner la page », explique Vanessa. Comme
depuis le début de l'affaire, elle est très entourée par ses proches et plus particulièrement
par ses parents. Elle n'avait qu'une dizaine d'années lorsque l'homme censé lui
apporter une éducation spirituelle a franchi la ligne jaune.
Le quinquagénaire très charismatique au sein de
cette communauté du sud de l'île avait réussi à séduire tout son monde. Il
proposait son aide pour le soutien scolaire, car il prétendait avoir enseigné
par le passé. C'est lors de ces moments où il pouvait se retrouver seul avec
l'adolescente qu'il a eu des gestes plus que déplacés.
« Je pense que d'autres enfants ont subi le même
sort que moi, mais qu'ils n'ont rien dit. Je pensais revivre après la
condamnation, cette histoire a gâché ma vie. Il n'est pas là et c'est moi qui
continue à souffrir ».
IL S'EST SOUSTRAIT À LA JUSTICE DES HOMMES
« Souffrance », c'est le mot qui revient constamment lors de cet
entretien avec Vanessa. Lorsqu'en 2010 ils ont déposé plainte contre ce
ministre du culte, les parents et la jeune femme ont été traités de menteurs et
les soutiens n'étaient pas très nombreux. On leur a reproché de vouloir salir
l'intégrité et l'honorabilité d'un homme apprécié de tous. « Je ne me suis
jamais placée dans la peau d'une victime, j'étais devenue celle qui avait
détruit la vie de cet homme et de sa famille ». Jusqu'à aujourd'hui, le quinquagénaire
continue à bénéficier d'un sentiment de sympathie auprès de certains fidèles
sur les réseaux sociaux. Mais beaucoup d'entre eux ont vite déchanté quand le
jugement du tribunal correctionnel de Fort-de-France a confirmé les
déclarations de la jeune femme.
Et surtout condamné le pasteur à 8 ans de prison ferme. Elle se
remémore un procès où elle a dû faire face à un banc des prévenus qui est resté
désespérément vide. En effet, c'est par défaut que le pasteur Emmanuel Gordon a
été jugé. L'homme qui avait été placé sous contrôle judiciaire avec
l'interdiction de quitter le département n'a pas attendu la date de son procès.
Depuis le 25 avril 2013, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international. Les
proches de la jeune femme continuent de penser que le mis en cause qui est
d'origine haïtienne a bénéficié de complicité pour fuir le département.
« JE NE VEUX PAS DÉTRUIRE LA COMMUNAUTÉ ADVENTISTE »
« On s'était rendu compte qu'il était bizarre, il avait parfois
des excès de colère. On nous a dit qu'il avait été envoyé en Martinique pour lui
accorder une seconde chance ». Elle veut qu'au sein de sa communauté on
reconnaisse que c'est elle qui a été la victime et non le contraire.
« Mes
parents et moi-même, nous n'avons pas toujours été seuls dans ces moments
difficiles... certains nous ont exprimé leur soutien et leur gratitude. Je veux
aujourd'hui dire à ceux qui ont douté de ma parole et qui n'ont pas cru que
j'ai été victime de cet homme qui s'est présenté comme le bon pasteur »,
souffle Vanessa. La jeune femme sait que sa démarche ne sera pas comprise de
tous. « Je ne veux pas détruire la communauté adventiste ». Elle veut surtout
inciter à la prudence face à certains ministres du culte qui veulent se placer
au-dessus de Dieu. « Je ne souhaite pas pour ceux qui ne m'ont pas crue d'avoir
à vivre ce que j'ai vécu et encore moins à leurs proches. Continuer ce genre de
choses est en totale contradiction avec les valeurs de notre église », indique
encore Vanessa.
(1) Le prénom de la victime a été modifié
H.Br.
(1) Le prénom de la victime a été modifié
H.Br.
Source : France – Antilles, 19 juillet 2014,
http://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/faitsdivers/j-ai-ete-la-victime-d-un-predateur-263940.php