Adoupé, un quartier agricole du groupement Baleng, on est à plus de
20km du centre de Bafoussam. Le jeudi 28 août 2014, les paysans y travaillent
d’arrache-pied à la culture du haricot, lorsqu’une vingtaine de jeunes gens les
trouve dans les champs. Ils ont traversé le lycée de Famtchuet, l’école
publique, le centre de santé, bref tout ce qui ressemble à la vie du village,
pour arriver aux lieux dits Cathro, Baye, Tshuekuo, des espaces où n’arrivent
habituellement que des conducteurs de motos bien téméraires.
Fidèles à leurs habitudes, ils interpellent ces gens qui retournent la
terre, sèment, ou rentrent déjà en transpirant sous de lourdes charges. «
Bonjour. Nous sommes les Témoins de Jéhovah. Voulez-vous partager avec nous la
lecture de la parole ? Ça ne prendra pas tout votre temps », négocie la horde
de prêcheurs. Ils tiennent entre les mains de la littérature spécialisée, comme
La Tour de garde ou Réveillez-vous !
L’un d’eux enfonce des flyers dans le sac d’une dame dont les deux
mains sont occupées. L’homme qui la suit est plutôt teigneux. « Aidez-moi
d’abord en portant ce sac. Comme ça, en route, on parlera de Dieu, qui ne doit
pas être contre les travaux champêtres ». Le prédicateur se débine et le
paysan, lui, refuse les imprimés. Plus loin, une femme les prend à partie.
Fichez le camp, bande de paresseux. Vous venez nous distraire jusque
dans les champs parce que c’est ça qu’on mange ? Vous voulez qu’on abandonne ce
qu’on fait pour vous écouter ? Contre quoi ? Vous ne mangez pas avant de
prêcher ? »
Tentations
Les disciples de Dieu sont sans voix devant cette dame qui refuse de
se laisser conter. Quelques mètres encore, sur la place où les paysans empruntent
les taxis-brousses pour rentrer des champs, un autre groupe de Témoins de
Jéhovah harangue les présents. Une dispute éclate entre un monsieur venant de
Baye et le conducteur de moto qui l’a ramené. Ils ne s’entendent pas sur le
prix de la course. « Père, paie-moi. On a conclu que tu devais payer 1500F pour
être déposé à Bafoussam.
Donne-moi cet argent et je m’engage à payer le transport pour le reste
de ton tronçon », s’étrangle le benskineur. Le paysan avait trouvé le moyen
d’économiser 500F. Le ton monte lorsqu’arrive la voiture. « Allez calmer la
bagarre avec votre bible », lance quelqu’un à un prédicateur, qui ne bouge pas.
« Allez-y prêcher l’amour du prochain. Voilà des gens qui ont besoin de Dieu »,
raille-t-il. Le groupe des Témoins de Jéhovah, jetés dans les champs par leurs
parents en cette fin de vacances scolaires, ne désespère pas. Ils prennent un
repas : du pain avec de la sardine à l’huile, sorti d’un sac. Puis reprennent
le chemin retour. A pied.
Franklin
Kamtche
Source :
Cameroun Link, 9 septembre 2014,
http://www.camerounlink.net/news/?SessionID=K0TD3LSQ0UACP9NDOSV7LMQIJF0IEH&cl1=1&cl2=&bnid=2&nid=79877&cat=0&kat=0