Jusqu'ici, on
était habitué à ce que les vedettes du show-business, les hommes d'affaires et
les intellectuels branchés aient leur professeur particulier, aussitôt baptisé
« coach » en référence aux nouveaux codes langagiers. Mais, désormais, il y a
aussi des coachs de chômeurs. Dans une société où le sous-emploi fait partie du
paysage national pour une durée indéterminée, des esprits taraudés par
l'angoisse s'accrochent à n'importe quelle branche. Dès lors que Pôle emploi est
dans la situation d'un trimaran lancé dans la Route du rhum avec un flotteur en
moins et un trou dans la coque, certains sont prêts à tout pour espérer
retrouver un boulot aussi incertain qu'un roman de Patrick Modiano dans le sac
à main de Fleur Pellerin. D'où le boom des coachs de chômeurs. On prétend
apprendre à des gens fragilisés l'art de se vendre, ce nouveau miroir aux
alouettes. On leur explique comment remplir un CV, comment rédiger un
courriel de présentation, ou comment se présenter à une candidature, sans plus
de garantie qu'à Pôle emploi, sauf qu'il faut verser au passage son obole à une
officine privée.
En voilà
comment le Parisien peut titrer avec enthousiasme sur « le juteux marché
des chômeurs ». Le capitalisme possède cette faculté insoupçonnée de tout passer par
le tamis de la marchandisation. Il n'y avait donc pas de raison de ne pas
déceler un créneau porteur dans la recherche d'emploi. Même des chômeurs en
échec dans leur reconversion (faute de coach ?) se lancent dans l'aventure sans
formation particulière. On peut ainsi être pris en main par quelqu'un qui est à
la recherche d'emploi ce que DSK est au féminisme, Bernard Tapie, au bénévolat,
et Jean-Pierre Jouyet, à l'éthique.
De toute façon,
coach ou pas coach, si l'entrée (ou le retour) dans le monde du travail tient
du chemin de croix, ce n'est pas parce que les chômeurs ne savent pas se
présenter, ou qu'ils bafouillent au moment de l'entretien d'embauché, mais
d'abord parce que l'économie est au point mort et qu'il n'y a (presque) pas de
boulot. Par temps de croissance quasi nulle, seul François Hollande ose encore
parier sur la relance par l'offre. S'il n'avait pas pris Pierre Gattaz pour coach
idéologique, on n'en serait pas là.
Source : Marianne, 14 novembre 2014
Note du CIPPAD : Comme un parfum d’immense conditionnement. Rappelons-nous qu'au début des années 50,
David Rockfeller
cofondait
le groupe de réflexion Bilberberg, tout en contribuant à la
naissance de l'Ecole de Palo Alto, matrice des techniques de coaching, en finançant les travaux de Gregory Bateson. Deux projets, qui 60 ans plus tard n'ont pas pris une ride.