Poursuivie pour escroquerie au Cambodge, la compositrice Odile Perceau a
aussi frappé dans une distillerie de Jarnac. Éric Pinard, le propriétaire,
raconte sa mésaventure.
L’ 'escroquerie est rocambolesque
et connaît un écho mondial. Odile Perceau, chef d'orchestre et
compositrice de musique classique, a laissé une ardoise de 600
000 euros au temple d'Angkor au Cambodge.
L'affaire révélée par Mediapart raconte comment Odile Perceau, sous le
nom de sa société Khloros, a organisé un concert de prestige en décembre 2013,
avec de nombreuses personnalités invitées. Le tout avec le soutien du ministère
de la Culture et de l'Unesco, entre autres. Rien que ça. Sauf qu'au moment de
s'acquitter des factures, du cachet des musiciens aux autres prestataires, la
compositrice répond aux abonnés absents.
"Les escrocs connaissent vos faiblesses"
Bien loin des remous de Paris et des vestiges khmers, un distillateur de
Jarnac a lui aussi été « roulé » par Odile Perceau. Éric Pinard avait pourtant
des doutes. Mais ébloui par le projet de la compositrice, il a fini par céder. «
Les escrocs connaissent vos faiblesses. Ma distillerie, je l'aime, et ça, elle
le savait », souffle-t-il.
Tout commence le 11 octobre 2013. Odile Perceau vient par hasard visiter
la distillerie de Jarnac, accompagnée de Sophie Grenier, directrice de
l'innovation et de la prospective chez Dragon rouge, agence de design
parisienne. Mais aussi d'une grande soprano chinoise, soit-disant amie intime
de la première dame de Chine. Les trois femmes repartent enchantées de la
visite. « La soprano a même poussé quelques vocalises dans la salle des
alambics, raconte Éric Pinard. Elles ont trouvé que la sonorité était en
parfaite harmonie avec sa voix. »
La première dame de Chine
Pendant des mois, le distillateur n'entendra plus parler de ses trois
invitées de passage. Jusqu'en août dernier. « Odile Perceau revient vers
moi, explique Éric Pinard. Elle me propose d'organiser un récital de musique
classique le 11 octobre suivant avec la soprano chinoise, et en présence de la
première dame de Chine.
Elle me dit qu'il va falloir faire des travaux comme
repeindre tout l'intérieur du bâtiment en noir pour la retransmission en direct
à la télé chinoise, refaire la tapisserie, replanter la pelouse, nettoyer les
façades... Évidemment, je me suis méfié. Ce genre d'événement, ce n'est pas
pour moi. »
Mais la compositrice insiste, et donne la clé pour convaincre le
distillateur. « Elle m'a promis que les frais seraient entièrement pris en
charge par sa société Khloros. Dans le premier devis, on partait sur 100
000 euros de travaux. »
Éric Pinard finit par dire banco, sans signer aucun contrat. L'accord
reste tacite. « Je trouvais que c'était un beau projet, que ça donnerait une
belle image du cognac. Et je voulais en faire profiter mes clients. » Le
distillateur contacte les connaissances, artisans du coin. Les travaux
débutent. Courant septembre, l'un des fournisseurs demande un acompte.
« Qui n'arrive jamais, poursuit Éric Pinard. C'est à ce moment-là qu'on
a commencé à se méfier. Odile Perceau continuait à me dire au téléphone que le
paiement allait arriver la semaine prochaine. » Jusqu'au moment où, à quelques
jours de la date fatidique, le concert est purement et simplement annulé. «
En cause, la décapitation de l'otage français Hervé Gourdel. Pour des questions
de sécurité, l'Élysée en personne aurait refusé que le concert ait lieu... »
Le prétexte est tellement farfelu qu'Éric Pinard finit par comprendre
qu'il ne verra pas l'ombre d'un violon sur sa propriété. « Et surtout que
Khloros ne paierait pas. Les travaux ont été stoppés. Je n'ai pas voulu mettre
mes artisans dans une situation délicate. » 136 000 euros de travaux avaient
déjà été effectués. « J'ai sorti 52 000 euros de ma poche. J'ai dû faire un
crédit pour ça. Une société charentaise du monde du cognac, associée avec moi
dans l'événement a, elle, payé les 84 000 euros restants. »
"Elle vit dans un grand délire"
Éric Pinard n'a pas porté plainte. « Je n'ai pas subi de préjudice.
Après tout, les travaux ont été réalisés. Je ne peux pas me retourner contre
Khloros. Il me reste le préjudice moral, mais tant pis. Les artisans ont été
payés, c'était le plus important. Pour moi, l'affaire est close. » La
maison de cognac associée a, quant à elle, déposé plainte, tout comme une
société d'événementiels parisienne. Une enquête est en cours au sein de la
brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA).
Aujourd'hui, les langues se délient autour de la compositrice, qui ne
serait pas si musicienne que ça
Sophie Grenier, qui est au commencement de l'histoire charentaise,
dément toute escroquerie. C'est elle qui a mis en contact Odile Perceau et Éric
Pinard. « On parle d'escroquerie dans les médias mais ce ne sont pas les mots,
infirme-t-elle. Il n'y a eu aucune mésentente entre le distillateur et Odile
Perceau. Cette affaire prend une ampleur disproportionnée. Le concert
d'Angkor et celui de Jarnac sont deux affaires qui n'ont absolument rien à
voir. Pour cette dernière, ni Odile Perceau, ni moi, n'avions un intérêt
qu'il soit amical ou professionnel. »
Aujourd'hui, les langues se délient autour de la compositrice, qui
ne serait pas si musicienne que ça. Stéphane Rougier, membre du Quatuor de
Bordeaux, qui a collaboré avec elle en 2007 et 2008 la qualifie de « gourou.
Elle commandait tout mais n'y connaissait rien. Elle vit dans un grand délire.
Une belle imposture. »
Source : Sud-Ouest, 6 janvier 2015,
http://www.sudouest.fr/2015/01/06/136-000-euros-le-concert-fantome-1787195-937.php
Une arnaqueuse "musicienne" et "enfant indigo" cause quelques centaines de mille de pertes dans plusieurs pays...
L’Unesco et
la France cautionnent une escroquerie culturelle au Cambodge
Par Antoine Perraud
L’histoire terrible mais inachevée d’Odile Perceau, reine de la
duperie au Cambodge. Ou comment une filouterie musicale en Asie, sur fond
d’exhalaisons sectaires, fut parrainée par la France et l’Unesco, incapables
ensuite d’assumer leurs fautes.
Elle semble encore plus douée qu’un virus informatique nord-coréen.
Elle s’introduit partout avec une science de caméléon, tel Zelig – le
personnage du film de Woody Allen. Elle se prétend compositrice et de surcroît
chef d’orchestre. Elle cherche à organiser des concerts là où paieront des
fortunés suffisamment naïfs et des naïfs suffisamment fortunés.
L’Extrême-Orient s’avère son terrain de chasse le plus lucratif. Toutes les
ruses sont bonnes pour y parvenir. Elle s’appelle Odile Perceau et rôde
jusqu’au palais de l’Élysée.
Passant d’abord par David Kessler, naguère conseiller pour la culture
de François Hollande, elle parvient à s’élever jusqu’à Valérie Trierweiler, qui
se prend à l’époque pour la première dame de France. Quatre jours avant la
publication de photographies fatales montrant que le chef de l’État court le
guilledou en scooter, madame Trierweiler signe, le 6 janvier 2014, un courrier
ahurissant destiné à l’épouse du président chinois : pour lui recommander une
Odile Perceau ayant alors en tête de se faire ouvrir rien de moins que l’opéra
de Pékin.
Le document ci-dessous apparaît si grotesque – on y barbote dans une
sorte d’Ancien Régime fantasmagorique, comme si Marie-Antoinette s’adressait à
l’impératrice d’Autriche ! –, que nous l’avons d’abord pris pour un faux.
Valérie Trierweiler n’a pas daigné répondre à notre courriel, mais son chef de
cabinet de l’époque, toujours à l’Élysée – il veille désormais sur le secteur
associatif –, rappelle Mediapart. Patrice Biancone confirme l’authenticité de
la missive. Nous lui pointons les tournures saugrenues et clichetonneuses,
l’attentat au code typographique (la majuscule de Parrainage), le ridicule fort
peu républicain de cette bafouille officielle : la stylistique n’est pas son
fort. M. Biancone ne trouve rien de fâcheux à ce qu’une telle prose émane du
sommet de l’État. Nous lui demandons dans quelle mesure il n’a pas repris, sans
même l’amender, le modèle de lettre que lui avait soumis Odile Perceau. Il nous
promet de vérifier dans ses dossiers, sans jamais reprendre attache.
Pour
lire l’article en entier, activer le lien ci-dessous:
Source :
Mediapart relayé par Peuple observateur,
28 décembre 2014
http://peuplesobservateurs2014.com/2014/12/28/lunesco-et-la-france-cautionnent-une-escroquerie-culturelle-au-cambodge-ericduval-osj-mafia/