samedi 15 décembre 2012

L'Université Fernando Pessoa a-t-elle le droit de former nos futurs dentistes ?

Le ministère de l'enseignement supérieur réagit vivement à l'initiative de cette université privée portugaise qui entend contourner le concours de la 1er année commune aux études de santé.

GILE MICHEL/SIPA

FINI LE REDOUTABLE concours de la PACES (première année commune aux études de santé), porte d’entrée des études de médecine, pharmacie, chirurgie dentaire, etc ?

Du moins, à La Garde dans le Var où une université privée portugaise, l’Université Fernando Pessoa a récemment ouvert ses portes pour proposer de former des chirurgiens-dentistes (odontologie) et des pharmaciens sans passer par le concours de la Paces. À condition toutefois de régler les 9 500 € de frais de scolarité annuel et les 100 € pour la constitution du dossier.

L’initiative a fait vivement réagir le ministère de l’enseignement supérieur. Dans un communiqué officiel diffusé jeudi 13 décembre , il indique avoir demandé à la Rectrice de l’Académie de Nice de déposer une saisine auprès du Procureur de la République de Toulon contestant la légalité de cette formation.

SELON LE MINISTÈRE, l’université portugaise n’est pas habilitée à délivrer ces diplômes. « Notre plainte vise deux points essentiels. D’abord l’usage abusif du terme « université » car selon le code de l’éducation il ne peut être mentionné par un établissement d’enseignement supérieur privé. Ensuite, sur le non-respect des règles du régime de déclaration préalable nécessaire pour l’ouverture de ce type d’établissement. » explique un conseiller de la ministre Geneviève Fioraso.

L’université Fernando Pessoa, déjà remarquée dans l'enquête de Sciences et Avenir sur les dérives sectaires à l'hôpital

En d’autres termes, l’université privée portugaise se serait débrouillée pour passer à travers les mailles de l’administration pour ouvrir des filières de formations très prisées des nouveaux bacheliers mais aussi très sélectives. Une version que conteste Bruno Ravaz, le vice-président de l’établissement : « Nous avons fait toutes les demandes légales auprès du rectorat, de la préfecture et du parquet. Alors même que nous disposons d’un mail du rectorat nous indiquant que ces démarches ne sont pas obligatoires. » Pourtant, le ministère est sûr de son bon droit.

« Si nous avons déposé cette plainte, c’est que nous sommes sûrs de cette démarche. » précise un porte-parole.

L’université Fernando Pessoa avait déjà fait parler d’elle dans notre enquête sur les dérives sectaires et thérapeutiques dans les hôpitaux et universités en France (cf. Sciences et Avenir novembre 2 012) pour ses liens avec la fasciathérapie, une méthode thérapeutique inventée par Danis Bois.
Or, cette pratique, inspirée de l’ostéopathie, de la kinésithérapie et de concepts ésotériques (l’existence d’un mouvement interne) n’a jamais fait la preuve de son efficacité. Elle a été signalée par la Miviludes dans son guide Santé et dérives sectaires. Enfin, la fasciathérapie a été dénoncée le 22 juin par le Conseil national de l’ordre des  kinésithérapeutes, qui rappelle qu’elle n’est pas reconnue par la profession, contraire­ment à ce que prétend Danis Bois.

MAIS LA RÉPUTATION sulfureuse de l’université privée portugaise n’entame pas la détermination de ses représentants français.

« Nous sommes en train d’équiper les laboratoires qui serviront aux travaux pratiques de deuxième année en pharmacie et odontologie. Nous avons déjà de nombreuses propositions de stages pour nos étudiants dans des cliniques privées qui sont très intéressées. Enfin, nous comptons ouvrir d’autres filières en architecture, génie civil, sciences de l’environnement, physiothérapie, etc. » explique Bruno Ravaz. Une ambition qui pourrait bien être anéantie par la procédure lancée par le Ministère de l’enseignement supérieur.

Olivier Hertel
Source:  Sciences et Avenir, sciencesetavenir.nouvelobs.com, 14 décembre 2012
http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/decryptage/20121214.OBS2501/l-universite-fernando-pessoa-a-t-elle-le-droit-de-former-nos-futurs-dentistes.html