samedi 5 juillet 2014

Médecines douces, ce qu'en dit la science

Polémique.
Alors qu'en France elles entrent à l'hôpital, deux chercheurs les jugent (presque) toutes inutiles.
« A son Altesse royale le prince de Galles». La dédicace de leur livre peut surprendre. Et pourtant, c'est pour tenter de convaincre le prince Charles, fervent défenseur des médecines dites douces, de son erreur, que deux sujets de Sa Gracieuse Majesté, le professeur Edzard Ernst et Simon Singh, ont écrit « Médecines douces : info ou intox?»*, dont Le Point publie les bonnes feuilles en exclusivité. Le premier a occupé jusqu'en 2011, à l'université d'Exeter, la première chaire de médecine alternative créée au monde. Le second est titulaire d'un doctorat en physique des particules. Ensemble, ils ont passé en revue des milliers de publications scientifiques concernant les thérapies non conventionnelles, pour identifier celles qui sont réellement efficaces. Leur bilan est sévère...
Le Point : Vous avez été nommé professeur à la première chaire au monde de médecine alternative. Pourquoi attaquer aujourd'hui ces thérapies ?
Professeur Ernst : Mon but n'était ni de les promouvoir ni de les combattre, seulement d'évaluer leur validité, d'établir les faits scientifiquement. Pour cela, nous avons réalisé une méta-analyse, donc regardé la totalité des publications concernant les quatre thérapies les plus importantes - acupuncture, homéopathie, chiropraxie et phytothérapie -, et passé rapidement en revue une trentaine d'autres. Nous n'avons en aucun cas sélectionné les études «à charge».
Vous êtes par exemples sans pitié pour l'acupuncture.
Que ceux qui affirment l'existence des méridiens ou d'autres mécanismes d'action en apportent la démonstration. Mais la question n'est pas tant de savoir comment ça marche que : est-ce efficace ? Or, quand on regarde les études, on trouve quelques bénéfices pour soulager les douleurs et les nausées. C'est presque tout. Les acupuncteurs ne devraient donc pas promettre des résultats dans d'autres domaines.
Seule la phytothérapie trouve grâce à vos yeux?
Ce n'est guère étonnant, puisque plus de la moitié des médicaments actuels proviennent des plantes. Mais attention, le principe actif tiré des végétaux est plus efficace que la plante elle-même. Prétendre le contraire en évoquant une quelconque synergie entre ses différents constituants est pure fantaisie émanant de gens qui imaginent que la nature est là pour nous guérir.
Malgré tout, les médecines alternatives sont de plus en plus utilisées, et certaines, comme l'acupuncture, l'homéopathie et l'ostéopathie, font leur entrée dans de nombreux hôpitaux, en France notamment.
Si l'on intègre les thérapies dont l'effet n'est pas supérieur à celui d'un placebo, c'est une erreur. En revanche, il faut optimiser l'effet placebo dans la pratique médicale. Les médecins doivent prendre le temps d’expliquer les traitements à leurs malades, êtres empathiques, mais aussi prescrire des produits efficaces, sinon ils mentent.
Justement, l'homéopathie
est désormais reconnue comme une médecine à part entière, et même prise en charge par
la Sécurité sociale française.
Cela vous choque ?

D'abord, son taux de remboursement n'est que de 30 % en France, mais ça me tracasse, car ce n’est pas une médecine fondée sur des preuves. Or, les remboursements devraient être fondés sur ce critère
* Editions Cassini, 384 p., 22 €
Par ANNE JEANBIANC
Source : Le Point, 5 juin 2014.